Le point sur le droit à indemnisation du conducteur

La survenance d’un accident de la circulation :

L’accident est un évènement fortuit et imprévisible dans lequel est impliqué un véhicule (voiture, moto, camion, tracteur, engin agricole…) qui a été mis en circulation par son conducteur, peu importe que l’accident ait lieu sur une voie publique ou privée et que le véhicule soit en mouvement ou en stationnement.

La notion de « circulation » comprend, selon la Jurisprudence, la circulation sur voie privée comme sur une voie publique, que celle-ci soit statique (véhicule arrêté ou en stationnement) ou au contraire dynamique (véhicule en mouvement).

L’implication d’un véhicule terrestre à moteur :

Le véhicule terrestre à moteur est défini par l’article L.211-1 du Code des assurances comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée. »

Il y a implication lorsque, sans l’intervention de ce véhicule, l’accident ne se serait pas produit. La Cour de cassation considère ainsi qu’est impliqué tout véhicule qui est intervenu à titre quelconque dans l’accident. La Cour de cassation estime également qu’il y a toujours implication en cas de contact matériel de la victime avec un véhicule, en mouvement ou à l’arrêt.

Par ailleurs, il est requis que l’implication soit celle d’un véhicule tiers à la victime. Le véhicule sera considéré comme tel si la victime n’en avait pas la garde, c’est-à-dire, qu’il n’en cumulait pas les trois éléments constitutifs : l’usage, le contrôle et la direction. (Arrêt dit « Franck » rendu par les Chambres Réunies de la Cour de cassation le 2 décembre 1941)

En général, cela ne pose aucune difficulté pour le non conducteur (piéton, passager)  puisqu’il n’a aucune maitrise sur le véhicule. Sauf à considérer qu’il a conservé la garde du véhicule alors qu’il n’en est plus le conducteur. C’est effectivement le cas pour une personne qui a été renversé par son propre véhicule alors qu’elle venait de le stationner et que celui-ci s’est mis en mouvement pas le simple effet de la gravité.

Pour le conducteur d’un véhicule, il est nécessaire de prouver l’implication d’un véhicule autre que celui qu’il conduisait. Si tel le cas, le droit à indemnisation est par principe établi. Mais en amont, il est primordial de déterminer si la victime est conducteur ou non conducteur (piéton, passager). En effet, le régime d’indemnisation diffère selon la qualité de la victime.

La notion de conducteur :

Est considéré comme étant le conducteur celui qui prend la place devant le volant ou le guidon et qui agit sur les organes de commande et de direction du véhicule. Selon la Convention de Vienne du 8 novembre 1968, il s’agit de toute personne « qui assume la direction d’un véhicule… » (voiture, moto, camion, tracteur, engin agricole…).

La Cour de cassation retient néanmoins la qualité de « conducteur de fait » pour une personne ayant tiré volontairement le frein à main d'un véhicule en mouvement et ainsi prendre au moins en partie le contrôle de la conduite du véhicule (Cass, crim, 22 juin 2005).

Il importe alors que la personne puisse agir sur les organes de direction et de commandes pour avoir la qualité de conducteur (Civ.2ème, 4 décembre 1985). Cette définition exclue ceux qui manipulent par erreur ou à la suite d’une fausse manœuvre le véhicule (CA Bordeaux, 5ème Ch., 20 janvier 1994). A l’inverse, En appuyant sur la jambe droite d'un automobiliste, provoquant ainsi l'accélération du véhicule, et en donnant une impulsion au volant, un passager, avait pris la qualité de conducteur. (Civ., 2ème, 31 mai 2000).

De la même manière, le passager d'une motocyclette qui donne une leçon de conduite au conducteur conserve en fait le pouvoir de commandement sur ce véhicule, s'étant réservé la possibilité d'intervenir dans la conduite de l'engin et d'en retirer la maîtrise à l'élève soumise à ses directives. (Civ., 2ème, 27 novembre 1991) Toutefois pour être conducteur, la personne doit impérativement se situer à l’intérieur du véhicule (Civ.2ème, 16 janvier 1991).

Ainsi, perd la qualité de conducteur celui qui n’a plus la maîtrise du véhicule et en a perdu le pouvoir de commande et de direction. (CA Aix en Provence, 16 février 2005) Perd aussi la qualité de conducteur, la victime heurtée par une automobile alors qu’elle se trouvait hors de son véhicule dont elle avait été éjectée lors d’un premier choc.(Cass. 2e Civ. 11 décembre 1991) Conserve néanmoins la qualité de conducteur, le motocycliste qui, désarçonné, glissa entre les deux roues de l’automobile sans avoir « repris pied », sans avoir marché d’un seul pas, sans s’est relevé ni tenu debout sur ses jambes une seule fraction de seconde poursuivant sous l’effet de la collision une glissade le conduisant sous le véhicule.(TGI Créteil 24 mars 1992)

Il en est autrement pour la victime qui traversait la chaussée en tenant son cyclomoteur à la main et qui doit être considéré comme un piéton. (Cass. 2e Civ. 16 octobre 1991) La solution est identique pour une personne qui, à pied, pousse une automobile en panne. (Cass. Crim. 23 avril 1992)

L’incidence de la faute de la victime conducteur :

L’entité à qui est réclamé l‘indemnisation du préjudice peut néanmoins estimer ne pas devoir le prendre en charge au motif que la victime aurait commis une faute. En effet, selon l’article 4 de la Loi du 5 juillet 1985 : « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. » 

Il appartiendra donc à la partie adverse de prouver que la victime a commis une faute ayant concouru à la survenance du sinistre ou du préjudice dont il est demandé réparation. Par conséquent, le droit à indemnisation du conducteur n’est apprécié qu’en fonction de son propre comportement, abstraction faite de celui du conducteur du véhicule tiers.

Une faute est le fait de commettre ce que l'on n'avait pas le droit de faire, ou de ne pas faire ce que l'on aurait dû faire. Ainsi, une omission ou une négligence peuvent constituer une faute. La référence à la notion de faute pour réduire ou exclure l'indemnisation du conducteur rend celle-ci aléatoire, le texte ne précisant pas les critères à mettre en œuvre pour procéder respectivement à une exclusion ou à une limitation.

Pendant longtemps, les juges du fonds ont apprécié la faute par référence à la responsabilité encourue par le conducteur, sur le fondement de l’article  1382 du Code civil, jusqu'à ce que l'arrêt Desmares distingue la notion de faute de l'article 4 de celle de responsabilité.

Désormais, la faute est appréciée souverainement par les juges du fond, en fonction du rôle qu'elle a joué dans la réalisation du préjudice, abstraction faite du comportement de l'autre conducteur. (Cass. ch. mixte, 28 mars 1997) Constitue ainsi une faute susceptible de réduire voire exclure le droit à indemnisation :

  • l'absence de ceinture de sécurité (Cass. crim. 4  nov. 1986; Cass. crim., 21 oct. 1992; Civ. 2e, 5 oct. 1994; Cass. 2e civ., 22  janv. 2004),
  • une vitesse excessive (Civ. 2e, 30 nov. 2000).
  • l'absence de casque de protection (Cass. crim, 22 mai 2007)

Encore faut-il que l’entité débitrice démontre qu’il existe un lien de causalité entre cette prétendue faute et le dommage dont il est réclamé la réparation. On ne peut ainsi valablement prétendre qu’un défaut d’assurance ou de permis de conduire puisse constituer une faute de conduite ayant concouru à la survenance du sinistre. Qu’en effet, il n’existe aucun lien de causalité direct et certain entre cette carence et le sinistre. De la même manière, la conduite sous l’emprise de cannabis ou en état d’ébriété ne peut, en soi, constituer une faute de conduite.

En effet, même si la conduite sous un tel état pourrait amoindrir les réflexes du conducteur, et donc favoriser la survenance de l’accident, cette consommation ne peut être de nature à réduire le droit à indemnisation de la victime que si il prouvait qu’elle est constitutive d’une faute de conduite ayant concouru à la survenance du sinistre.

En effet, il est de jurisprudence constante que :

  • « Le conducteur, qui conduit malgré un taux d’alcoolémie supérieur au taux légalement admis, commet une faute en relation avec son dommage de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation. Qu’en constatant que l’état d’alcoolémie aurait été sans incidence sur le droit à réparation de la victime, cette faute étant sans relation avec le dommage, n’est pas de nature à limiter ou exclure le droit à indemnisation. » (Arrêt Cour de Cassation du 06.04.2007, Assemblée Plénière,)

Ainsi, la présence d’un taux d’alcoolémie de 0,85 grammes par litre de sang au moment de la collision, constitue bien une faute, celle-ci ne peut être de nature à limiter ou exclure son droit à réparation que si il est démontré qu’elle a joué un rôle causal dans la survenance de l’accident.